La Cigale(1), ayant chanté Tout l'été(2), Se trouva fort dépourvue Quand la bise fut venue: Pas un seul petit morceau De mouche ou de vermisseau (3). Elle alla crier famine Chez la Fourmi (4) sa voisine, La priant de lui prêter, Quelque grain pour subsister Jusque'à la saison nouvelle. <Je vous paierai, lui dit-elle, Avant l'oût (5), foi d'animal (6), Intérêt et principal (7)? > La Fourmi n'est pas prêteuse: C'est là son moindre défaut. <Que faisiez-vous au temps chaud? Dit-elle à cette emprunteuse (8). - Nuit et jour à tout venant (9) Je chantais, ne vous déplaise. - Vous chantiez? J'en suis fort aise: Eh bien! Dansez maintenant.>
Pour ouvrir le recueil, une fable inspirée d'Ésope, sans moralité explicite. 1. Seule apparition dans les Fables de cet animal qui, dans l'Antiquité, symbolisait le poète insouciant. 2. Rythme de vers (7 + 3) qu'on trouve chez Marot et certains poètes baroques. 3. Petit ver. L'entomologiste J.H. Fabre a, le premier, fait remarquer que la cigale ne peut se nourrir ansi avec son suçoir. 4. Modèle traditionnel d'économie domestique (voir fable IV, III). 5. Époque de la moisson: orthographe conforme à la prononciation et non à l'étymologie. 6. Parcdie de serment solennel. 7. Capital. 8. Le féminin, inusité, est burlesque. 9. Ã toute occasion, ou pour toute personne se présentant.
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