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Le mendiant

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La rue était maintenant déserte et silencieuse. Les lampadaires sétaient allumés depuis un instant seulement. Le ciel demeurait rougeâtre à lhorizon. Un imperceptible souffle de vent passa. Un chat noir aussi.
Le mendiant, assis dos au mur dun immeuble sombre et vétuste sétira et bâilla. Dun regard circulaire, il embrassa la rue étroit et maintenant calme du marché. Il tira à lui la petite cuvette de bois et compta les pièces de monnaie qui sy trouvaient; plus il fourra sa main dans une poche de son boubou qui avait dû être blanc, et en sortit dautres pièces de monnaie quil compta aussi avant de tout mettre dans un minuscule sac de toile. Il resta ainsi un moment, pensif. Il sortit dune autre proche une pièce de monnaie et la contempla un long moment; cetait une pièce que lui avait donnée la dame au foulard. Elle lui en donnait tous les mains en ressortant du marché, et cétait son seul bon moment de la journée. Quand il la voyait surgir dentre deux rangées détalagespuis traverser la ruelle et savancer vers lui, il était heureux. Il la regardait savancer de sa démarche calme et régulière, quelque peu nonchalante, avec son éternel foulard blanc noué autour du cou. Arrivée devant lui, elle sarrêtait et regardait; lui aussi la regardait. Puis elle lui tendait une pièce; il la prenait et elle sen allait. Tous les matins, il guettait sa venue. Tous les matins, sauf le dimanche. Elle ne venait jamais le dimanche; cest pour cela que le mendiant naimait pas le dimanche, même si les gens lui donnaient beaucoup plus dargent ce jour-là.
Et justement demain cest dimanche.
Il remit la pièce dans la poche doù il lavait prise.
Demain dimanche.
Il inclina tristement la tête.
Un chat noir surgit du marché et passa calmement devant lui. Il le suivitdu regard. Le chat disparut derrière un tas de planches pourries. Il fronca les sourcils.
Un chat noir.
Signe de malheur.
Lentement il se leva et ramassa ses affaires : une canne et un balluchon dans lequel il fourra la petite cuvette de bois. En se redressant il sentit une douleur lui traverser les reins.
Appuyé sur sa canne, il commenca à marcher; lentement. Il navait dailleurs acune raison dêtre pressé. Il avait tout son temps. A soixante-dix ans on a toujours le tempsjusquà ce que le temps ait raison de vous.
Au loin, une sirène retentit. Le son sétira puis, peu à peu, sestompa.
Le mendiant marchait toujours.
Une pile de vieilles boîtes de conserve vides sécroula avec fracas de lautre côté de la chaussée : sûrement un rat. Il essaya, de ses yeux fatigués, de discerner la bestiole dans la pénombre.
Il ne vit pas la pierre sur le trottoir.
Mais il ne la manqua pas.
Sous leffect de la douleur, il sarrêta et, le visage crispé, recroquevilla légèrement le pied gauche qui avait heurté.

Le pied gauche.

Signe de malheur.

Au bout dun instant, il reprit son chemin en boitant.

Il repensa avec affliction au lendemain.

Demain dimache.

Journée morne dans sa vie de misère.

Demain dimanche.

Il ne verrait pas la dame au foulard.

Il se mit à repenser à elle. Pourquoi lui plaisait-elle à ce point?

Elle nétait pas particulièrement belle; pas laide non plus. Et puis, de toute facon, ce nétait plus de son âge.

Rien ne la distinguait des autres femmes qui venaient au marché.

Rien.

A part son éternel foulard.

A part sa démarche.

A part son regard calme et doux.

A part sa bonté

Demain dimanche.

Il ne la verra pas.

Il est triste.

Pourquoi donc pensait-il tout le temps à elle?

Parce quelle lui donnait tous les jours de largent?

NON!

Alors pourquoi?

Peut-être parce quelle lui rappelait le seul être qui lui fût vraiment cher.

Sa fille.. Son unique fille.

Elle est morte à lâge de seize ans; voilà aujourdhui plusieurs décennies. Il navait jamais pu loublier

OUI! Cest peut-être pour cette raison.

Le ciel était maintenant plein détoiles.

Le mendiant les regardait tout en marchant.

Subitement une petite boule de feu traversa le ciel comme un éclair et sestompa rapidement. Le mendiant baissa furtivement les yeux. On lui avait appris étant enfant que ce phénomène annoncait la mort dune personnalité.

Encore un signe de malheur.

Et de plus demain cest dimanche.

Dans un couloir dhôpital, une infirmière marchait. Elle tenait à ne pas déranger les malades couchés sur des nattes à même le sol du couloir. Certains étaient sur des civières, comme ce vieux que lon avait amené heir à la nuit tombante. Elle sarrêta au niveau du vieux et se mit à démonter son flacon de perfusion qui était vide; elle fixa le flacon plein et resta un moment à regarder le visage du vieil homme. Il ne semblait pas souffrir.

On lavait trouvé inanimé sur le trottoir.

Il semblait fatigué, et respirait doucement. Elle lobservait depuis un moment quand il ouvrit lentements les yeux et croisa son regard. Ses yeux étaient enfoncés dans leurs orbites.

Le mendiant scruta linfirmière.

Il remarqua quelle portait un foulard blanc autour du cou.

Linfirmière lui sourit.

Le mendiant sourit aussi puis, lentement, il ferma les yeux.

Linfirmière, qui le regardait toujours, remarqua au bout dun moment quil ne respirait plus. Mais son sourire demeurait figé à jamais.

Enfin un dimanche heureux.

Le dernier!